5 leçons de vie apprises en travaillant en cancérologie

5 leçons de vie apprises en travaillant en cancérologie

 

Je m’occupe de patients touchés par le cancer depuis 5 ans maintenant. On me demande souvent ce qui me pousse à travailler dans ce milieu et si ce n’est pas trop difficile à gérer émotionnellement.

La vérité ? Bien sur que c’est difficile, que c’est un endroit qui demande un engagement total et sincère. Mais les récompenses sont à la hauteur de l’investissement.

Travailler en cancérologie, c’est toucher au cœur de l’humain. C’est échanger avec des personnes qui ne s’encombrent plus des masques que l’on porte en société. C’est partager avec des personnes qui acceptent leur vulnérabilité. C’est recevoir des leçons précieuses de ceux qui fauchés par la maladie ont été obligés de prendre du recul et de se réinventer.

Alors pourquoi j’accompagne ces patients ? Tout simplement parce qu’ils m’aident à grandir en tant que personne et à être chaque jour un peu plus humain. Je vous livre ici quelques anecdotes et les leçons que j’en ai tirées.

 

ÊTRE LA TOUT SIMPLEMENT

 

Je n’oublierai jamais ma première séance d’hypnose en milieu hospitalier.

Septembre 2013, j’ai terminé ma formation quelques mois auparavant et propose mes services à une clinique spécialisée en cancérologie.

La surveillante de chimio me parle d’une patiente curieuse et intéressée qui demande à me rencontrer pour découvrir l’hypnose.

Je rentre dans sa chambre, encore très scolaire et maladroit, et demande à ma patiente quel est son objectif pour la séance, tout empressé que je suis de pouvoir venir miraculeusement la délivrer de tous ses maux à l’aide de mes merveilleux outils.

“Vous savez Mathieu, j’ai  passé toute ma vie à tout contrôler, à tout anticiper, à ne jamais rien laisser au hasard, et ne jamais me laisser souffler un instant. Si pendant cette expérience je passe un bon moment, que vous m’aidez à lâcher prise et me surprenez, je vous en serai éternellement reconnaissante.”

Quelle claque ! Tout ce que j’avais compris de mon rôle s’effondre.

On croit souvent que les gens ont besoin de nos conseils, ou qu’on les aide à faire quelque chose. On se sent investit d’une mission qui nous rassure et nourrit notre besoin de reconnaissance. Parfois même nous nous mettons une pression en leur attribuant des attentes à notre sujet.

Mais la plupart du temps, les autres attendent juste de nous quelque chose de plus simple et pourtant plus difficile à offrir : une vraie présence. Sincère, authentique et dénuée de tout enjeu. Être là avec eux, les accompagner, partager, et laisser la relation évoluer et se développer sans attente particulière.

 

GARDER L’ÉTAT D’ESPRIT D’UN ENFANT ET METTRE DE LA LÉGÈRETÉ DANS SA VIE

 

Jeanne est la doyenne de toutes les personnes que j’ai accompagnées. Lors de notre première rencontre elle a 97 ans et je suis tout de suite frappé par l’intensité de son regard qui traduit tout autant son audace qu’une vraie passion pour la vie. Cette femme a quelque chose de fascinant et une vraie capacité à capter l’attention.

Séduit, je l’écoute me parler de sa vie. A un moment de notre échange elle me parle de son mari, décédé quelques années plutôt.

“Vous savez Mathieu, j’ai eu la chance de vivre 65 ans de passion avec mon mari. Nous nous sommes aimés et avons construit une vie fantastique. Et pourtant tout nous opposait.”

Je l’invite à poursuivre par un regard rempli de curiosité et prêt à découvrir son secret.

“Nous étions radicalement opposés. J’adorais l’avion, il ne jurait que par le train, j’aimais la campagne, il était accroché à la ville… absolument tout nous opposait, mais nous nous retrouvions sur les 2 seules choses essentielles à la vie…”

Je ne tiens plus ! J’ai l’impression de vivre un moment clé où elle va me révéler LE SECRET.

Elle poursuit :  “Le vin et le fromage.”

A 97 ans, Jeanne vient encore de me piéger.

Elle aime entretenir cette vivacité d’esprit, garder ce côté taquin et mettre de la légèreté même dans les conversations les plus sérieuses. Sans doute le secret de cette belle énergie malgré le poids des années.

 

NE PAS AIDER PLUS QUE NÉCESSAIRE

 

A la fin de cette séance, je propose à Jeanne de l’aider à descendre. Mon cabinet se trouve au 4 eme étage et les escaliers qui sont particulièrement raides m’inquiètent.

Après une légère tape sur la main que je lui tendais, elle enchaîne avec un air faussement offensé :

“Mathieu, je vous interdis de me prendre la moindre de mes libertés”.

Le message est reçu.

De la même manière qu’elle avait refusé que son chauffeur l’aide à monter les escaliers, il n’était pas envisageable d’être aidé pour les descendre.

Si cette femme est si particulière aujourd’hui c’est qu’elle s’est construite ainsi. Pas à pas.

Cette anecdote peut paraître insignifiante mais elle souligne son caractère. Une personnalité se forge et s’affine avec chaque décision que l’on prend, chaque action que l’on pose et la façon dont on les pose.

Quelques fois, avec la meilleure intention du monde, nous empêchons nos proches, nos collègues ou nos amis de se développer pleinement. Il est alors important de se rappeler qu’ouvrir une porte c’est bien. Les laisser vraiment libre de l’emprunter (ou pas), c’est mieux !

 

METTRE SA VIE EN PERSPECTIVE

 

Durant cette première séance, j’ai eu l’impression d’apprendre beaucoup plus de Jeanne, qu’elle n’apprenait de moi et je décide de lui offrir la séance. La chance s’invitant au RDV, Jeanne oublie de me régler. Je reçois quelques jours plus tard un chèque de sa part accompagné d’excuses. Je le lui retourne donc en lui expliquant à quel point j’avais apprécié notre rencontre et que la sagesse dont j’avais bénéficié ne me permettait pas d’accepter son chèque.

Voici sa réponse écrite :

Je ne mérite pas du tout vos compliments. Il est vrai que, souvent, des amis me remercient d’un bon conseil, d’une aide par mes paroles, c’est seulement parce que les problèmes des autres m’intéressent plus que les miens.  

Je ne suis pas aussi sage que ça.

 

LA GÉNÉROSITÉ COMME BASE DE TOUT ÉCHANGE

 

La lettre se poursuit :

Ce chèque m’embarrasse énormément, vous dites vous même que je suis restée une heure de plus, je vous dois donc deux consultations !!

Nous ne pouvons pas jouer au ping-pong avec, je vais donc le garder et l’envoyer à une œuvre proche de votre travail.

Classe… Plutôt que de continuer d’argumenter, elle fit don du montant de la séance à un organisme pour la recherche contre le cancer.

 

Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à me le faire savoir en laissant un commentaire. Je reviendrai avec d’autres anecdotes et leçons.

N’oubliez pas également de le partager un maximum sur les réseaux sociaux, c’est comme ça qu’un blog se développe ! 👇👇

 

6 Commentaires
  • Mélanie
    Posté à 00:34h, 06 novembre Répondre

    Merci pour cet article Mathieu. Il est très e enrichissant, juste et honnête ce qui est appréciable. J’ai beaucoup apprécié la partie  » ne pas aider plus que nécessaire  » dont nous parlons peu et qui pourtant est si essentielle. Je n’ai pas travaillé en cancérologie mais été de l’autre côté et je trouves vraiment cet article très juste alors merci 🙏👍

    • Mathieu Soriano
      Posté à 12:17h, 06 novembre Répondre

      Je trouvais important de montrer le rôle que vous les patients avez sur les soignants. Votre influence est énorme et ces relations sont loin d’être à sens unique. 😇

  • Natacha
    Posté à 12:08h, 06 novembre Répondre

    Superbes anecdotes pleines d humanité et d apprentissage, tout ce que j aime…. Je suis infirmière à domicile et j ai la chance de recevoir aussi beaucoup de mes patients…. Je les adore !!!
    Un grand Merci et je vous souhaite une magnifique journée !! 😗

    • Mathieu Soriano
      Posté à 12:14h, 06 novembre Répondre

      Ma mère est infirmière à domicile également. Sans doute une influence majeure dans mon orientation. 🙃 Quel beau métier !

  • MrTortue
    Posté à 14:21h, 29 décembre Répondre

    Ayant perdu un membre de la famille des suites d’un cancer, la leçon que j’en ai tiré est assez simple: suis tes passions, fait ce que tu aimes. Notre temps sur Terre est une ressource strictement limitée. Peu importe que le métier que tu veux faire ne gagnes pas assez ou que tout le monde trouve celà stupide, ce qui compte c’est suivre ses passions. Et l’argent suivra: les passionnés sont inévitablement meilleurs dans ce qu’ils font que ceux qui ne le sont pas.

  • Martine Tual
    Posté à 16:25h, 08 juillet Répondre

    Quel bel article Mathieu, plein de justesse, de finesse et de sensibilité; Une leçon d’humanité tout simplement….

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